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		 Comme durant le Carnaval, 
		(Soit que l’on fasse bien, ou mal) 
		Plusieurs vivent d’une manière 
		Qui n’est pas toujours coutumière, 
		Il est très certain que Paris, 
		Séjour des plaisirs et des ris, 
		Est rempli de réjouissances, 
		De Cadeaux, de Bals et de Danses, 
		D’admirables Collations, 
		Contenant des profusions 
		De bons vins et de limonades ; 
		Bref, de diverses Mascarades : 
		Mais (à parler ingénument) 
		Le plus grand Divertissement, 
		Tant de la Cour, que de la Ville, 
		Et qui, seul, en vaut plus que mille, 
		C’est le Ballet vraiment Royal, 
		Que l’on danse au Palais Royal, 
		Où visiblement on remarque 
		L’adresse de notre Monarque, 
		Et de Monseigneur d’Orléans, 
		Le Maître et Patron de léans. 
		 
		Là, plus de dix-huit, ou vingt Belles, 
		Qui sont les aimables Modèles 
		Des plus adorables appas, 
		Y font admirer leur beaux pas, 
		Leurs grâces, leurs jolis corsages, 
		Et les charmes de leurs visages 
		Qui ravissent, qui moins, qui mieux, 
		Les âmes, les coeurs et les yeux. 
		 
		Outre leurs beautés et leur Danse, 
		Leurs qualités et leur naissance 
		Inspirent, au premier aspect, 
		Moitié flamme, et moitié respect : 
		On voit entre elles des Comtesses, 
		Des Marquises et des Duchesses, 
		Et des Princesses, mêmement, 
		Qui sont un rare assortiment 
		Au susdit Ballet ; Et pour celles 
		Qui ne sont encor que Pucelles, 
		Ces Objets mignons et brillants, 
		Divinités de cent Galants, 
		Que par elles l’Amour régente 
		Sont de belles Tables d’attente 
		Pour augmenter le nombre, un jour, 
		Des hautes Dames de la Cour : 
		J’ai vu trente Ballets en France, 
		Mais en ceux de plus d’importance, 
		(Que je meure si je vous mens) 
		Je n’ai point vu d’habillements 
		Plus riches, superbes et lestes, 
		Que leurs jupes, robes, ou vestes, 
		Et leurs escarpins, mêmement, 
		Où l’on voyait main ornement ; 
		Tout éclatait de broderies, 
		D’argent, d’or, et de pierreries, 
		Qui revêtant de si beaux corps, 
		Ajoutaient trésors sur trésors ; 
		Et leurs fronts, plus que de coutumes, 
		Ombragés de bouquets de plume, 
		Mêlés d’infinis diamants, 
		Paraissaient encor plus charmants. 
		 
		Madame, de tous admirée, 
		Qui représentait Citérée, 
		Et pour régner sur tous les Dieux, 
		S’élevait de la Mer aux Cieux, 
		Étant indisposée, ou lasse, 
		A cédé sa brillante place 
		À certaines aimable Beauté 
		Dont tu vois le nom à côté, 
		Qui, comme jeune, belle et sage, 
		Joue assez bien ce Personnage. 
		 
		Outre la majesté du Roi, 
		Qui danse des mieux, croyez-moi, 
		Et Monsieur son unique Frère, 
		À qui le juste Ciel confère 
		Toutes les belles qualités 
		Qu’on souhaite aux Principautés, 
		Un Prince du beau Sang de France 
		Paraît aussi dans cette Danse, 
		Et plusieurs Ducs, Comtes, Marquis, 
		Tous Seigneurs de mérite exquis, 
		Audit Ballet se laissant joindre 
		Par des Gens de qualité moindre, 
		Mais, pour bien danser, les meilleurs 
		Tant du Royaume, que d’ailleurs : 
		Mais, surtout, certaine Pucelle 
		Fait dire à ceux qui parlent d’elle, 
		Qu’on n’en voit point dessous les Cieux 
		Qui danse et cabriole mieux. 
		La Musique et la Symphonie 
		Y font une grande harmonie, 
		Dont Lully (ce crois-je) est Auteur, 
		Et plusieurs, de belle hauteur, 
		Disent que jamais les oreilles 
		N’ouïrent de douceurs pareilles. 
		Mais ce qui ravit plus le coeur, 
		C’est certain Angélique Choeur 
		Formé des voix justes et belles, 
		De trois illustres Demoiselles, 
		Dont, selon mon opinion, 
		La douce et charmante union 
		Fait goûter aux oreilles fines 
		Des voluptés presque divines. 
		 
		Le Sujet, ajusté des mieux 
		Par un Esprit judicieux, 
		Dont l’honneur, les Lettres, les Armes 
		Sont les plus véritables charmes, 
		Sujet par qui nous sont connus 
		Les faits d’Amour et de Vénus, 
		N’est pas un Sujet véritable, 
		Mais un des plus beaux de la Fable. 
		 
		Le Théâtre et ses ornements, 
		Ses machines, ses changements, 
		La Mer, ses rochers et ses rives, 
		Qui sont de longues perspectives, 
		Donnent un plaisir infini, 
		Grâces au Sieur Bigarany, 
		De Modène, et non pas de Rome, 
		Et fort habile et galant Homme. 
		 
		Enfin, pour finir mon rollet 
		Touchant ce splendide Ballet, 
		Les Vers en sont fort beaux à lire, 
		Car Bensérade (c’est tout dire) 
		Qui du Parnasse est grand Docteur, 
		En est, ce m’a-t-on dit, l’Auteur. 
		 
		Jeudi, bien des Gens y coururent, 
		Nos deux sages Reines y furent 
		Environ vers la fin du jour, 
		Avec une assez noble Cour, 
		C’est-à-dire Mademoiselle, 
		Sa Soeur d’Alençon avec elle, 
		Et plusieurs Princes, mêmement, 
		Tant Princes du Sang, qu’autrement. 
		 
		Un fort honnête et galant Homme 
		Qu’il n’est pas besoin que je nomme, 
		Homme, envers-moi, de coeur humain, 
		Et mon ami, de longue main, 
		(Que Dieu garde de toute infortune) 
		M’y plaça sur une Tribune, 
		Où je fus mille fois ravi 
		Des belles choses que je vis. 
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