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		 Le sept du mois, Mardi 
		passé, 
		Le Ballet du Roi fut dansé, 
		Mêlé d’un Poème tragique, 
		Chanté, tout du long en musique, 
		Par des Gens Toscans et Romains, 
		La plupart légers de deux grains ; 
		Et, même, par l’illustre Hilaire, 
		Qui ne saurait chanter sans plaire, 
		Et la Barre pareillement, 
		Dont la voix plaît infiniment, 
		Et dont la personne excellente 
		La Beauté même représente 
		(Assez convenable rôlet) 
		Dans ce beau Poème, ou Ballet ; 
		Lequel Poème s’intitule 
		En Français, Les Amours d’Hercule, 
		Et dans sa naturalité 
		Se nomme Ercole Amante. 
		L’Auteur de ce fameux Ouvrage 
		Est un excellent Personnage, 
		Ayant en Cour, à ce qu’on dit, 
		Réputation et crédit. 
		Je ne dis rien dudit Poème, 
		D’autant qu’à mon regret extrême, 
		Son langage mignard et doux 
		Ne fut, onc, entendu de nous. 
		 
		Pour le reste, c’est autre chose, 
		Toutefois, si parler j’en ose, 
		Je ne saurais faire autrement 
		Que jaser généralement 
		De ce Ballet plus qu’admirable, 
		Duquel la pompe incomparable 
		Subsiste six heures durant, 
		Et qu’on peut nommer dix fois grand, 
		Soit à l’égard des symphonies, 
		Qui font de rares harmonies, 
		Soit pour les Décorations, 
		Les subtiles inventions, 
		La dignité des Personnages, 
		Les Machines dans les nuages, 
		Les Héros, Déesses et Dieux, 
		L’Air, la Mer, l’Enfer et les Cieux, 
		Du Soleil, la Sphère brillante, 
		Qui parut, tout à fait, charmante, 
		La richesse et les ornements 
		Des superbes habillements ; 
		Bref, les dix-huit grandes Entrées, 
		La moindre valant vingt bourrées : 
		Et dont Louis, la Fleur des Rois, 
		Paraît à la tête de trois ; 
		Que dis-je, trois ? sans rien rabattre, 
		Il danse, pour le moins, dans quatre, 
		Se faisant (sans exagérer) 
		Dans toutes les quatre admirer. 
		Il représentait en sa danse, 
		En l’une, la Maison de France ; 
		Puis Pluton, Mars et le Soleil, 
		Le dernier dans un appareil 
		Assez conforme à la manière 
		Que l’on peint ce Dieu de lumière : 
		Mais, surtout, furent admirés 
		De son chef les cheveux dorés, 
		Agencés d’une main habile, 
		Et d’une façon si subtile, 
		Que jusqu’à présent nul Mortel 
		N’avait admiré rien de tel ; 
		Notre cher Porte Diadème 
		Le prisa fort, dit-on, lui-même, 
		Et tous les Gens de qualité 
		Etant près de Sa Majesté. 
		 
		L’Autrice de ce bel Ouvrage, 
		Femme spirituelle et sage, 
		S’appelle Madame Touzé, 
		Nom digne d’être éternisé, 
		Puisqu’elle est au Monde l’unique 
		Capable de telle fabrique ; 
		Et comme elle n’avait souci 
		De travailler, jusques ici, 
		Qu’à faire d’admirables tresses 
		Pour Prélats, Princes et Princesses, 
		On peut dire avec vérité 
		Que la rare dextérité 
		De cette Ouvrière inimitable, 
		Part un sort assez honorable 
		De son art plus qu’industrieux, 
		En sait faire aussi pour les Dieux. 
		 
		En ce Ballet que nul n’égale, 
		Dont la dépense est si Royale, 
		Monsieur que Dieu conserve, amen, 
		Représente, en dansant, l’Hymen. 
		Monseigneur le Prince, Alexandre ; 
		Et c’était assez bien l’entendre 
		Que lui donner ce grand Nom-là, 
		Chacun approuvant fort cela. 
		Monsieur le Duc, son cher Ouvrage, 
		D’Amour, y fait le Personnage. 
		Monsieur de Guise, Jupiter. 
		 
		Ici, je ne puis débiter 
		Les Noms des Danseurs de remarque 
		Du Ballet de notre Monarque, 
		Le nombre en est trop étendu, 
		Maint rang y serait confondu ; 
		Et je pourrais, par ignorance, 
		M’abuser sur la préséance. 
		Mais, pour le Sexe précieux, 
		Le cher paradis de nos yeux, 
		Comme leur nombre est beaucoup moindre, 
		Je veux, ici, toutes les joindre, 
		Chaque Nom étant exprimé 
		Selon l’ordre de l’Imprimé ; 
		Le tout avec des Vers faciles, 
		Et non pas des pointes subtiles : 
		Car quand on fait des in promptus, 
		Rarement les Vers sont pointus. 
		 
		Au premier rang, il est bien juste 
		De mettre notre Reine auguste, 
		Dont l’agréable Majesté 
		Est un modèle de Beauté. 
		 
		Il faut insérer après Elle 
		Avec raison, Mademoiselle, 
		Dont les illustres qualités 
		Ont du renom de tous côtés. 
		 
		Deux charmantes Fleurs de jeunesse, 
		Sœurs de la précédente Altesse, 
		Savoir Alençon et Valois, 
		Extraites du Sang de nos Rois. 
		 
		De Soissons, la Comtesse aimable, 
		Dont la grâce presque adorable 
		A des charmes et des appâts, 
		Que toutes les Belles n’ont pas. 
		 
		D’Armagnac, cette autre Comtesse, 
		Qu’on prendrait pour une Déesse, 
		Et qui, dès l’âge de douze ans, 
		Ravissait Cour et Courtisans. 
		 
		Deux jeunes Sœurs belles et sages, 
		Qui charment tout par leurs visages, 
		Mesdemoiselles de Nemours, 
		Dignes des plus nobles amours. 
		 
		L’incomparable de Luynes, 
		Dont les beautés, quasi divines, 
		Font infinité d’Amoureux, 
		Mais ne font qu’un seul Homme heureux. 
		Sully, Duchesse des mieux née, 
		De quantité d’appâts ornée, 
		Et dont le Père, assurément, 
		Fut Homme de grand jugement. 
		 
		Créquy, cette belle Personne, 
		Qui quoi que Femme est si mignonne, 
		Qu’en son visage triomphant 
		On voit encore un teint d’enfant. 
		 
		La jeune Comtesse de Guiche, 
		Douce, agréable, belle et riche, 
		Ayant, par bonheur singulier, 
		Pour Aïeul un Grand Chancelier. 
		 
		Rohan, admirable Pucelle, 
		Si noble, si sage et si belle, 
		Que quiconque l’épousera, 
		Un grand Trésor possédera. 
		 
		Mortemar, qu’on tient sans pareille, 
		Jeune et ravissante à merveille, 
		De prudence, d’honnêteté, 
		D’esprit, de grâce et de beauté. 
		 
		Des-Autels, Fille de la Reine, 
		Fort aimable, mais inhumaine, 
		Qui tient en Cour fort bien son rang, 
		Et qui vient d’un fort noble Sang. 
		 
		Ces Belles, tant Femmes que Filles, 
		Représentaient quinze Familles 
		Toutes pleines d’honneurs divers, 
		Des plus grandes de l’Univers, 
		Et, certainement, leur Entrée 
		De tant de grâces illustrée, 
		Du grand nombre des spectateurs 
		Fit presque autant d’admirateurs. 
		 
		Ô Chers Lecteurs, dans ces Vers nôtres, 
		Je ne saurais parler des autres, 
		Qui firent, toutes, grand effet ; 
		Mais ce ne serait jamais fait. 
		 
		Celles de Diane et de l’Aurore, 
		Selon ce que j’en remémore, 
		Que dansent Giraut et Verpré, 
		Sont ravissantes à mon gré, 
		Ce sont deux aimables spectacles, 
		Car l’une et l’autre y font miracles. 
		 
		Celle des Etoiles plût fort, 
		Et chacun demeura d’accord 
		Que ces agréables Fillettes ; 
		Avec tambours et castagnettes, 
		(Toutes quinze) ne pouvaient pas 
		Réussir avec plus d’appâts, 
		Chacune étant des mieux parée ; 
		Et ce fut la dernière Entrée, 
		Qui donna grand contentement, 
		Et conclut admirablement. 
		 
		Lecteurs, vous apprendrez le reste, 
		Dans le journal, ou Manifeste, ; 
		Que Balard en a recueilli, 
		Où de mettre il n’a pas failli, 
		Comme pour première parade, 
		Les beaux Vers du Sieur Bensérade, 
		Non seulement divertissants, 
		Mais infiniment ravissants ; 
		Voilà, donc, une affaire close, 
		Et je vais parler d’autre chose. 
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