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		 Que 
		ce trait d’un esprit adroit comme le vôtre 
		Est délicat et doux, Et que 
		vous feignez bien de parler pour un autre, 
		Quand vous parlez pour vous ! 
		 Que vos vers sont ardens, que leur pompe est brillante, 
		Et qu’ils sont radoucis ! Il 
		n’en faut point douter, vous êtes l’Amarante, 
		Et je suis le Thyrsis.
  Ils 
		sont de vous à moy, ces vers que chacun louë, 
		Et ne le niez plus ; Pensez à 
		la rougeur qui vous a peint la jouë 
		Dès que je les ay lus.
  Pendant que je voyois cette œuvre 
		d’importance, D’un jugement bien sain, 
		Vous tâchiez d’observer si mon intelligence 
		Alloit jusqu’au dessein. 
		Mais je n’eusse pas crû qu’il eût été possible 
		Qu’on eût si tôt aimé ; Et 
		qu’un sein à l’amour fût devenu sensible 
		Avant qu’être formé.
  Je 
		pensois vous apprendre une aimable science, 
		Quand il en seroit temps, Et je 
		vous attendois avec impatience À l’âge 
		de quinze ans.
  Que de fâcheux détours ma passion évite ! 
		Mon espérance rit De voir que 
		tout se hâte, et que le cœur va vîte 
		De même que l’esprit.
  Nous sommes l’un pour l’autre, et 
		nos âmes blessées Font de pareils 
		soûpirs ; Le Ciel, même en naissant, fit rimer vos pensées 
		Avecque mes désirs.
  
		Joignons-nous donc enfin d’un lien nécessaire 
		À la postérité : En travaillant 
		tous deux, nous ne sçaurions rien faire 
		Que pour l’Éternité. 
		À la fin mon esprit, d’une adresse assez 
		prompte, En a trouvé le nœud, 
		Et j’ay veu dans vos yeux je ne sçay quelle honte 
		Parmy beaucoup de feu.
  
		Aussi, quoique ces vers soient exempts d’infamie, 
		Pour être trop parfaits, Il est 
		bon d’assurer que c’est pour une amie 
		Que vous les avez faits.
  Un semblable prétexte est bon 
		pour peu qu’il vaille, Et doit être 
		permis ; Quand j’écris, de vôtre air, je dis que je travaille 
		Pour un de mes amis.
  Qu’une 
		fille à treize ans d’amour soupire et pleure, 
		C’est souvent un défaut ; Mais 
		pour une qui fait des vers de si bonne heure. 
		C’est vivre comme il faut.
  
		Encore que je tienne à faveur singulière 
		L’aveu fait en ce jour, J’ay 
		honte qu’une fille ait esté la première 
		À me parler d’amour.  
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